Tout comme l'Andalousie pour la production horticole en Europe, elle est révélatrice de l'esclavage moderne sur laquelle s'appuie aujourd'hui l'industrie agro-alimentaire des fruits et légumes: c'est en effet un salaire de misere (100 pesos par jour, 6 euros) que recoivent les pres de
80 000 travailleurs agricoles qui y travaillent, la plupart d'origine indienne, migrants des Etats de Guerrero et de Oaxaca (mixteques et triquis principalement). Les ouvriers et ouvrieres agricoles qui y sont etablis vivent dans une multitude de hameaux sommaires, bien souvent sans electricité ni réseau d'eau potable, et sans aucune infrastructure de santé d'éducation ou bien de couverture sociale.
Les entreprises horticoles de la région, exportant vers les Etats-Unis, le Canada, l'Europe et bientot les marchés asiatiques, sont pourtant parmi les plus modernes, puissantes et sophistiquées de tout le Mexique, á la pointe des nouvelles technologies de l'agro-business, et comptant sur les nombreux cadeaux des autorités gouvernementales, que ce soit en matiére d impots, de prix de l'électricité pou bien de facilités d'investissement.
Ce véritable esclavage moderne, si similaire á celui décrit par Turner au début du siécle dans "le Mexique barbare" et dont l'Andalousie, la région de Rosarno en Italie ou bien certaines régions du sud-est de la France ne sont pas si éloignées, a cependant été violemment remis en question avec l'éclatement de la gréve générale le 17 mars dernier, et le blocage sur prés de 120 km de l'autoroute connectant la région aux Etats-Unis.
Menée par l'Alliance nationale, régionale et municipale pour la justice sociale, le mouvement de gréve, qui compte sur la trés forte solidarité de nombreuses associations de travailleurs chicanos des Etats-Unis, maintient depuis lors une lutte déterninée afin d'obtenir toute une série d'amélioration de leurs conditions de vie, allant du doublement des salaires á l'obtention de la sécurité sociale, la construction d'écoles et de cliniques et la répression du harcément sexuel des travailleuses agricoles.
Le mouvement de gréve s'appuie sur l'assentiment général des habitants et des principales organisations syndicales de lutte au Mexique ainsi qu'aux Etats-Unis chez les américains d'origine mexicaine, ainsi que sur le soutien manifesté par de nombreuses autres grandes luttes et forces politiques mexicaines, dont entre autres le Congrés National Indigéne, les péres et méres de familles d'Ayotzinapa, ou bien l'Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN).
Toutefois, le gouvernement de l'Etat de Basse-Californie et le gouvernement fédéral mexicain semblent plutot chercher a mettre un terme au mouvement par la répression plutot que par la négociation. C'est en tout cas ce que suggérent les derniéres opérations de police de samedi
dernier: alors que le gouverneur local de l'Etat devait tenir une réunion le vendredi 8 mai avec les travailleurs agricoles au sujet de leurs revendications, celui-ci ne s'est finalement jamais déplacé sur place, menacant meme au téléphone l'un des porte-parole l'ayant appelé pour le questionner sur son absence á la réunion.
Le samedi, par contre, ce sont plusieurs dizaines de véhicules de police qui effectuérent une descente de police, dans quelques uns des principaux hameaux des ouvriers agricoles en gréve. L'opération a cependant été un échec total, devant la résistance déterminée des habitants qui ont endommagé plusieurs véhicules de police dont un tank anti-émeutes, obligeant les forces de police á se replier. Il y a cependant plusieurs dizaines de blessés, 4 travailleurs agricoles emprisonnés depuis (s'ajoutant á une quinzaine d'autres emprisonnés auparavant pour les blocages d'autoroute), et, plus que tout, le refus du gouverneur de venir négocier á San Quintin ce mercredi, arguant de "possibles menaces quant á sa sécurité personnelle".
En l'attente de la reprise des négociations, le mouvement de gréve de ces milliers de travailleurs agricoles envisage un durcissement de ces actions, á travers l'organisation d'un boycott des fruits et légumes aux Etats-Unis, et la possible opposition á la tenue sur place du processus électoral en juin prochain.
14-05-15